Qu’est-ce que le droit de propriété ?
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En premier lieu, il convient de se reporter aux articles 544 et 546 du Code Civil et leurs définitions de la propriété :
La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.
La propriété d’une chose soit mobilière, soit immobilière, donne droit sur tout ce qu’elle produit, et sur ce qui s’y unit accessoirement soit naturellement, soit artificiellement. Ce droit s’appelle “droit d’accession”.
Le droit de propriété est par conséquent un droit réel qui donne à celui qui en est détenteur tous les privilèges attachés au bien, ie :
- Le droit de détenir et d’utiliser le bien : l’usus.
- Le droit de percevoir les revenus du bien : le fructus.
- Le droit de disposer du bien : l’abusus.
Ce même droit de propriété peut faire l’objet d’un démembrement, en d’autres termes il est possible de répartir les privilèges ou prérogatives attachés à un bien. De manière concrète, le démembrement de propriété se caractérise par deux droits réels qui s’exercent de façon distincte et indépendante :
- L’usufruit
- La nue-propriété
La pleine propriété est de fait composée par l’usufruit et la nue-propriété ; dans le cas d’un démembrement de propriété les attributs du droit de propriété – occuper un bien, le vendre, en percevoir les revenus – sont répartis entre l’usufruitier et le nu-propriétaire. En somme, nous avons les composantes suivantes :
Prérogatives sur un bien | Pleine propriété | Nue-propriété | Usufruit |
Disposer du bien (le vendre) | Oui | Oui | Non |
Utiliser le bien (l’occuper) | Oui | Non | Oui |
Percevoir des revenus issus du bien (les loyers) | Oui | Non | Oui |
Pourquoi utiliser le démembrement de propriété ?
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Optimiser la transmission, protéger son conjoint ou son concubin, organiser la transmission de son vivant en conservant le revenu, contrôler un bien transmis tout en maîtrisant la gestion, minorer un actif taxable aux droits de donation, reporter le paiement des droits de succession, transmettre les plus-values futures d’un bien ou minorer l’imposition sur les revenus… nombre d’objectifs peuvent être envisagés grâce aux leviers basés sur le démembrement de propriété.
Dans le cadre d’une gestion patrimoniale, la technique consistant à démembrer la propriété d’une chose ou d’un bien est incontournable et révèle bien des atouts. Ce mécanisme est en effet souvent utilisé dans un cadre familial lors d’une donation ou d’une succession, avec pour principal objectif de réduire les frottements fiscaux.
Si l’on prend l’exemple classique du démembrement de propriété d’un bien immobilier : un parent donne sa résidence principale à ses enfants (nus-propriétaires), tout en se réservant l’usufruit. Concrètement le parent (usufruitier) peut continuer à habiter dans sa maison, sans payer de loyers à ses enfants, ou bien louer ladite maison tout en s’assurant des revenus récurrents issus de la mise en location. Dès lors :
- Le parent donateur ne paie des droits que sur la nue-propriété (valeur minorée par rapport à la pleine-propriété).
- Au décès de l’usufruitier, le nu-propriétaire retrouve la pleine propriété du bien (du fait de l’extinction de l’usufruit) sans avoir à régler de droits de succession. La réunion de l’usufruit et de la nue-propriété consécutive au décès de l’usufruitier n’est pas taxable.
Comment utiliser le démembrement de propriété ?
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Pour rappel, le démembrement de propriété peut porter sur :
- Des biens immobiliers,
- Des biens mobiliers,
- Une créance,
- Ou encore des titres de sociétés.
Ces précisions faites, il est nécessaire de bien appréhender les différentes formes de l’usufruit, le tableau synoptique qui suit présente les principales dispositions à connaître :
Objet | Origine | Durée | Titulaire |
Usufruit classique = bien non consomptibleExemple : une maisonQuasi-usufruit = bien consomptibleExemple : une somme d’argent | Usufruit légalExemple : usufruit du conjoint survivant qui, en présence d’enfants tous issus des deux époux et à défaut de dispositions contraires, recueille à son choix toute la succession en usufruitUsufruit volontaireExemple : le démembrement est choisi, dans le cadre d’une disposition (donation entre époux de biens à venir) | Usufruit viagerExemple : usufruit jusqu’au décès de l’usufruitierUsufruit à durée fixeExemple : usufruit intégrant un nombre prédéfini d’années d’existence | Usufruit personnelExemple : cas habituellement constaté en dehors d’un usufruit partagé.Usufruit partagé : successif, réversif, conjointExemples :Réversif & successif : deux parents ont trois enfants capables et un enfant atteint d’incapacité. Les parents décident de donner la nue-propriété de leur résidence principale à leurs enfants capables, tout en se réservant l’usufruit.Dans l’acte de donation, les parents prévoient une clause de réversion d’usufruit, cette dernière stipule qu’à leurs décès, l’usufruit se poursuit au profit du bénéficiaire de la réversion, en l’occurrence l’enfant atteint d’incapacité qui devient dès lors l’usufruitier en second. Ce n’est qu’au décès de l’enfant en incapacité que l’usufruit s’éteint et ce sera le reste de la fratrie capable, nue-propriétaire, qui recueillera la pleine propriété du bien.Conjoint : l’usufruit est détenu simultanément par plusieurs personnes ; des époux communs en biens donnent la nue-propriété d’un bien à leurs enfants en s’en réservant l’usufruit : chacun est alors usufruitier à hauteur de la moitié |
La valorisation d’un droit démembré (usufruit ou nue-propriété) peut se révéler utile :
- Pour calculer certains impôts (droits d’enregistrement, taxe foncière, IFI, impôt sur les plus-values, etc.) ;
- En matière civile (conversion de l’usufruit du conjoint survivant en capital, indemnité d’occupation, etc.) ;
- En matière de comptabilité (inscriptions, amortissements, provisions pour dépréciation, etc.).
Dès lors deux méthodes sont utilisées pour déterminer sa valeur :
- Celle du barème fiscal (article 669 du CGI) ;
- Et celle de l’évaluation économique.
Selon les cas de figure à envisager, il est possible de choisir l’une ou l’autre des deux méthodes.
Méthode du barème fiscal & évaluation des droits démembrés (cas de l’usufruit viager )
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Article 669 du Code Général des Impôts (CGI). Ce barème fiscal est obligatoire pour le calcul des droits d’enregistrement (vente, donation etc, portant sur des droits démembrés), de la taxe de publicité foncière ou encore de l’IFI.
Age de l’usufruitier | Valeur de l’usufruit | Valeur de la nue-propriété |
Moins de : | ||
21 ans révolus | 90 % | 10 % |
31 ans révolus | 80 % | 20 % |
41 ans révolus | 70 % | 30 % |
51 ans révolus | 60 % | 40 % |
61 ans révolus | 50 % | 50 % |
71 ans révolus | 40 % | 60 % |
81 ans révolus | 30 % | 70 % |
91 ans révolus | 20 % | 80 % |
Plus de 91 ans révolus | 10 % | 90 % |